Fouilles effectuées pendant l'hiver 1998-1999 à Rochemenier avec mise à jour de vestiges de l'époque carolingienne : église et tombes.

 

Les fouilles archéologiques du site de la Chaussée

La prospection mécanique sur l'emprise du contournement du bourg de Rochemenier a permis de localiser un site d'occupation antique et médiévale. Cette technique de prospection qui consiste à faire à la pelleteuse des tranchées régulièrement espacées, permet de retrouver les vestiges archéologiques enfouis. L'importance des restes, apparus dans 3 des 21 sondages, a entraîné une campagne de fouille de sauvetage. L'opération a été entreprise pendant l'hiver 1998-1999 par le Service archéologique départemental, sous le contrôle du Service régional de l'Archéologie. L'emprise de 17 m de large sur environ 100 m de long est perpendiculaire à une très légère dépression humide orientée au nord-est. Entièrement financée par le Conseil Général, la fouille, réalisée par 5 personnes pendant près de quatre mois, a permis de mettre en évidence trois grandes étapes dans l'occupation de ce secteur de la commune.

La phase la plus ancienne comprend deux fosses coupées par des fossés qui n'ont pu être suivis que sur quelques mètres. Le matériel (silex et poteries) mis au jour dans leur comblement suggère une première occupation avant la conquête de la Gaule par les romains. La plaine faisait, depuis longtemps, l'objet d'une exploitation par des agriculteurs.

Après une interruption plus ou moins longue, l'occupation s'est matérialisée par une mare dépassant les 50 m² de surface pour une profondeur maximale de 1,5 m. Creusée dans les argiles jusqu'à la nappe phréatique, elle fut rapidement comblée par un dépôt argileux suivi d'un remblai riche en matière organique. Cette fin comme dépotoir fut l'occasion de rejeter des déchets végétaux mêlés de vaisselle cassée. L'ensemble de la céramique retrouvée, lors des fouilles, peut être daté de la fin du second et du début du troisième siècle de notre ère. Cette mare n'est pas la première puisqu'en limite de la fouille un précédent trou d'eau, également gallo-romain, a été reconnu.
Deux fossés, dont un bordé d'un muret et l'autre une rangée de piquets, montrent que le paysage est organisé avec des limites parcellaires parallèles entre-elles. Les vestiges associés permettent de préciser que l'exploitation gallo-romaine mise en place au cours du premier siècle après Jésus-Christ continue jusqu'à la fin du IIIe siècle.

Après un laps de temps indéterminé, quatre structures parallèles, en maçonnerie de moellons, sont construites. Cette organisation du paysage est réalisée avant la construction de l'église. Il s'agit probablement de délimitation du parcellaire. L'orientation de ces limites est la même que celle des fossés gallo-romains. A la même époque, des épandages de cailloux au-dessus de la mare et vers l'ouest permettent aux personnes de circuler sans s'enliser.

La troisième phase d'occupation est la mieux représentée sur l'emprise de la fouille. À l'ouest de l'ancienne mare, un édifice est construit. Seules les fondations, de moellons de calcaire coquillier liés au mortier de chaux, nous sont parvenues. La hauteur des murs restants ne dépasse pas 20 cm. Cet édifice religieux est formé par une nef rectangulaire de 6,4 m de large et de 8,2 m de long qui se prolongeait à l'est par une abside semi-circulaire pour atteindre la longueur totale de 11,3 m. A l'intérieur, sous le niveau de démolition, un sol de terre battue est percé de plusieurs sépultures d'adultes et d'enfants. D'autres tombes ont pu être fouillées à l'est en périphérie de l'abside, au nord et le long du mur sud. En revanche, il faut noter l'absence totale de sépulture à l'ouest. Ce qui, confronté avec des traces restant après la récupération de matériau de construction, permet de penser qu'un petit bâtiment était accolé à l'ouest. L'église date de la période carolingienne (entre 750 et 960) ce que montrent les datations au carbone 14, de quatre sépultures.
Il n'est pas possible, en l'absence de texte, de préciser s'il s'agit d'une chapelle funéraire, d'une chapelle privée ou d'une église paroissiale.
Une deuxième construction de plan rectangulaire, perpendiculaire à la précédente, s'est substituée à l'église à abside. Les fondations plus profondes, liées à l'argile, supportaient des élévations utilisant un mortier de chaux. Comme aucun vestige des sols de ce bâtiment n'ont survécu aux aléas du temps, il est impossible de connaître sa fonction. Les inhumations se sont probablement poursuivies pendant son existence. Il est assuré qu'au moins une sépulture est postérieure à son abandon. Ce second édifice est probablement construit peu de temps après l'église. L'inhumation la plus récente, datée par le carbone 14 du XIe ou du XIIe siècle, permet d'affirmer que le second édifice est détruit au plus tard au début du XIIe siècle sans qu'il soit possible actuellement d'affiner cette datation. Les plus anciens textes conservés qui mentionnent Rochemenier se rattachent au XIIIe siècle.
Quelques trous de poteaux s'alignant par groupe de trois ou quatre n'ont pas permis de restituer de plan de bâtiment qui constituaient des structures plus légères à coté de ces constructions en pierre. De même, quelques fosses dépotoirs dont deux ont livré un matériel céramique de la période carolingienne, ont été localisées au sud et à l'ouest de l'édifice.

Les pratiques funéraires sont relativement semblables pour les sépultures. Les défunts sont inhumés dans un coffrage en bois aménagé au fond d'une fosse de 60 cm de profondeur environ. Le corps est posé sur le dos tête à l'ouest puis un couvercle est mis en place avant le comblement. Seul un adulte fut directement inhumé en pleine terre. Les restes d'un sarcophage en calcaire coquillier furent également dégagés dans le premier édifice devant l'abside. Il n'y a pas de différence visible à partir des vestiges qui nous sont parvenus, entre le traitement des inhumations des enfants et celles des adultes. Aucun objet ne fut déposé aux côtés du défunt.
Plus de la moitié des sépultures (39), sur un total de 68 fouillées, sont celles de jeunes enfants de moins de 13 ans. L'étude anthropologique met en évidence une forte mortalité des enfants de moins de cinq ans. Passé ce cap, l'espérance de vie est beaucoup plus longue. Les maladies laissant des traces sur les os montrent, chez les adultes, la présence d'arthroses et aussi la grande fréquence des caries.

Cette première analyse révèle une occupation discontinue du secteur fouillé mais il est probable qu'elle fut permanente sur le plateau. L'orientation des murs et fossés (hormis ceux d'âge protohistorique) est identique, de l'Époque antique au XIIIe siècle. Cette permanence d'orientation persiste dans le parcellaire actuel. La répartition des sépultures, des fosses dépotoirs, des murs de clôture, ainsi que le peu de vestiges d'os animaux dans les niveaux archéologiques semble suggérer que nous sommes sur la périphérie d'un domaine rural mais en contrebas de l'habitat qui s'étend probablement sous le village actuel. L'église à abside n'a pas de fonction assurée. L'utilisation du bâtiment qui lui succède est encore plus délicate à définir. Le site est ensuite abandonné au profit de l'agriculture, avec un colmatage de la petite dépression.
L'intérêt de cette fouille qui a permis de mieux connaître l'histoire ancienne de Rochemenier, dépasse largement le cadre du village, car les édifices religieux ruraux carolingiens sont très mal connus en France.
Une exposition, présentant les résultats de cette fouille, se tiendra au Village Troglodyte de Rochemenier de février à novembre 2000.

Jean-Yves Hunot
Service archéologique, Département de Maine-et-Loire

Page d'accueil